Le ta’ârof ou tarouf… le code des relations interindividuelles en Iran

Photographie prise à Ispahan en 2017 pour René Degiovani. Sous licence Creative Commons.

Si vous n’aviez que visiter l’Iran en bon touriste, (ce qui était assurément une excellente idée surtout dans l’ambiance actuelle..), vous ne connaissez très certainement pas le Ta’arof…. Car il s’agit d’un code strictement iranien qui n’est appliqué qu’entre locaux.

C’est une forme de civilité entre politesse et hypocrisie où chaque interlocuteur pratique une sorte de danse verbale pour mettre en valeur à l’excès l’interlocuteur et apparaitre en retrait. Ainsi va-t-on inviter à déjeuner une connaissance qui s’empressera de refuser, et on recommence…. De même si quelqu’un vous rend un service même minime, des expressions fleuries se multiplient comme le « marche sur mes yeux » pour montrer son rôle soit disant inférieur ou le moins distingué « crache et je nagerai dedans ». Ces échanges très alambiqués et souvent excessifs sont interminables puisque chacun ne veut pas perdre la face. Et bien sûr tout est très ritualisé dans une abondance de formules de politesse.

Mais quelle est l’origine du tarouf? Serge Michel prône pour la survivance des rapports féodaux où on faisait mine de se rabaisser. A-S Vivier-Muresan (dont je vous conseille vivement l’excellent article disponible sur Internet) propose une piste plus philosophique en rappelant les deux éléments qui composent toute personne: le baten, être réel qu’il convient de cacher au mieux tant il est essentiel et le zaher, qui propose des apparences trompeuses pour cacher le baten. En effet chacun doit défendre la vérité de son baten du regard des autres. D’où cette dissimulation permanente de préservation. Une autre piste vient de la conception même du chiisme, la religion essentielle.

Il n’est guère aisé dans notre culture directe (on vous invite et vous acceptez…) de comprendre les méandres quasi-poétiques de ces interactions. Mais elle montre l’intérêt, la profondeur et la richesse de la civilisation iranienne.

  • « Le code de politesse iranien ou la fiction du lien social » article de Anne-Sophie Vivier-Muresan » – Ed L’Homme, 2006, pp.115-138
  • « Refuser ou accepter? le taarof dans un contexte d’interactions culturelles entre Iraniens et Français » article de Shima Moallemi

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